Portrait statistique des migrations en 2021 par François Héran

Lors d’une audition de la commission d’enquête sur les migrations à l’Assemblée nationale le 27 mai 2021, le professeur au Collège de France a actualisé de nombreux chiffres intéressants sur les migrations.

Après l’audition, du directeur de directeur de la DGEF, la commission d’enquête sur les migrations à l’Assemblée nationale continue ses travaux en entendant François Héran, professeur au collège de France, chaire « Migrations et sociétés ».

L’intégralité de la première journée d’audition est visualisable sur le site de l’Assemblée : lien.

Portrait statistique des migrations

Le président de la commission invite François Héran à essayer de faire un tableau sur la situation : « Quel bilan faites vous de la politique d’accueil des migrant en France et quel bilan faites vous de la politique européenne ?« 

François Héran indique en premier lieu qu’il considère la politique d’accueil de la France comme positive : « Les conditions se sont beaucoup améliorées« , le travail de l’OFII est remarquable malgré une très grande rotation de ses agents qui pose de nombreux problèmes de formation. « On a pris au sérieux l’apprentissage de la langue même si on n’a pas les mêmes moyens qu’en Allemagne…. » mais il est plus difficile d’apprendre l’Allemand.

Capture d’écran de l’audition de François Hérant, AN 2021 05 27

« Ce que l’on voit si on compare les données sur une longue période, c’est que le flux d’étrangers qui croit, c’est le flux des étudiants internationaux. » Nous ne respectons pas les recommandations de l’OCDE qui ne les prend pas en compte pas dans ces chiffres. En France, quand on analyse ces flux étudiants, on compte 4 quart, soit un groupe d’Afrique du Magreb, d’Europe, d’Afrique subsaharienne, d’Asie. Ce sont des tendances stables. Les tentatives pour accroître considérablement les frais universitaires ont échoué face aux résistances des universités et du Conseil constitutionnel qui a garantie le caractère modique des inscriptions. Pendant la période du Covid, la France a vu le nombre de ses étudiants étrangers moins baisser que celui des Etats Unis ou du Canada. En France, on a eu que de 25% de baisse.

Les flux familiaux sont contenus. Il y a une grande constance. Le débat public est polarisé sur l’immigration familiale et l’asile mais tout cela est très décalé de la réalité. Nous sommes, en Europe, un pays qui utilise le plus le regroupement familial comme une condition du titre de séjour. On s’interrogera là dessus. Ce qui n’augmente pas, ce sont les titres de séjour salarié. C’est à partir de la loi de 2006 qu’on a définit un objectif d’augmenter le nombre de titre de séjour salarié, c’est ce qu’on a appelé la politique de migration choisie. Dans les faits, il y a eu un décalage entre les objectifs de la loi de 2006 et la mise en place effective de passeport talent dans le milieu des années 2010.

La caractéristique de la France par rapport à ses voisins c’est un regroupement familial plus important et on remarque une certaine stabilité des autres catégorie. On notera que nous ne sommes pas attractif pour les autres pays européens (sur le graphique il s’agit des chiffres indiqués comme relevant de la « Libre circulation », sans nécessité d’obtenir au préalable un visa ou un titre de séjour), contrairement à l’Allemagne où près des 2/3 des séjours sont des titres accordés à des européens. La position centrale de l’Allemagne en Europe joue certainement un rôle. Le Brexit va avoir une influence sur les chiffres au Royaume Uni. Mais est-ce à dire que ces euripéens vont ils venir en France ? Je ne le pense pas. Cela risque d’augmenter encore l’attractivité de l’Allemagne. Ce dernière a aussi considérablement admis des étrangers venus pour des motifs humanitaires. La crise des réfugiés des années 2015-2016 a été relative en France et au Royaume Uni.

Pour le travail, il y a deux nuances de bleus au Royaume Uni, il s’agit de prendre en compte le cas des conjoints de travailleurs immigrés qui sont immédiatement intégrés quand un de deux époux obtient l’autorisation de travailler en Angleterre.

La part des immigrés dans la population française ne cesse d’augmenter. Cette augmentation est indépendante des changements politiques. Les politiques surestiment leur action dans ce domaine.

Il semble que la crise du Covid 19 et le Brexit a fortement fait décroître les départs des ressortissants français à l’international.

On a remarqué aussi pendant la crise du Covid 19, la part importante que tiennent les étrangers dans les domaines des activités dites essentielles. Certains pays comme la Finlande ne font pas le choix de faire venir des étrangers pour combler les manques. Mais nous, au regard des chiffres, nous avons fait de choix de société.

Quand on parle d’immigration, on soulève souvent le problème de la ségrégation de ces populations immigrés sur certains territoires. Or, au regard des données, on observer une certaine disparité, le choix de localisation n’est pas le même quand on arrive sur le territoire ou quand on est enfant d’immigré. La seconde génération quitte les mauvaises conditions de logement et de localisation où se trouvent leur parents. Il y a tout de même une la spécificité du logement social en France, qui a tendance à fixer les populations immigrées. L’absence de logement social provoque plus de mobilité sociale, notamment vers les zones d’emplois. Les immigrés en moyenne déménagent plus souvent et leurs enfants encore plus en quittant les zones vulnérables où vivaient leurs parents profitant d’une meilleure réussite sociale. Le problème est qu’avec ces départs, les zones vulnérables restent vulnérables car elles perdent les populations qui réussissent. C’est un sujet en France.

Concernant la question du droit d’asile, on remarque que contrairement aux idées reçues, la France reçoit en fait très peu comparée à ses partenaires européens. Ces derniers ont des augmentations très importantes de demandes d’asile. Les fluctuations que l’on peut remarquer sur les graphes sont le résultat des politiques restrictives adoptées pour casser les dynamique de progression. Les migrants se reportent alors sur d’autres pays européens et révèlent une vraie problématique d’interdépendance. En France, on est près des chiffes planchers (le gros trait noir parallèle aux abscisses).

Pourquoi migre-t-on ?

Les raisons de l’immigration. A l’échelle mondiale, les pays qui migrent le plus ne sont pas les plus pauvres (voir étude Gallup). Il y a des écarts entre les aspirations et l’action concrète de migrer : 15% des 15 ans et + souhaitent migrer durablement, mais si on leur demande leur souhait de migrer dans les 12 prochains mois, le chiffre tombe et est divisé par 7 puis encore diminué d’un tiers quand on demande si des préparatifs ont été commencé. On arrive au final à un désir de migrer de quelques pourcents).

Les pays qui migrent le plus ce sont les pays qui sont à mi-chemin du développement (que l’on mesure par des niveaux de santé, d’espérance de vie, d’éducation, d’IDH). Le magreb ce situe au niveau 5/10 comme la Géorgie et l’Albanie, le Mexique (qui représente 11 millions de migrants aux Etats Unis).

80% de la migration forcée par les guerres et des catastrophes climatiques finit en périphérie des zones de départ, donc pas très loin en réalité.

Que deviennent les déboutés de l’asile ?

En matière d’asile, en France, le taux de reconnaissance après le passage à l’OFPRA et de la CNDA est de 25% environ. Il a été de 50% en Allemagne pendant la grande vague migratoire de 2015/2016. Ce chiffre plus important s’explique en partie par le choix allemand d’accueillir une part des syriens significative.

Que deviennent les déboutés ? On ne sait pas vraiment. Ils peuvent avoir d’autres stratégies administratives : épouser un conjoint français, régularisation partielle de la famille après un certain nombre d’année de résidence sur le territoire… Ces déboutés passent leur temps à accumuler des preuves de présence et vont être soumis à des appréciations diverses en fonction des territoires et d’une préfecture à l’autre.

L’idée selon laquelle il y a une grande différence entre le migrant légal et illégal est fausse. On fait des études biographiques. Grace à ces études on sait qu’il faut en moyenne à un subsaharien 7 années pour cumuler les 3 critères d’intégration qui sont avoir

  • un emploi,
  • un logement fixe (et ne plus habiter chez quelqu’un d’autre ou dans un squat)
  • des papiers.

Chez les femmes c’est 5 ans. 30% des étrangers qui sont en régularité aujourd’hui sont passé par une période d’irrégularité. Et ce n’est pas propre à la France. Notre distinction c’est que nous utilisons les titres familiaux pour régulariser ces situations après une longue période.

L’étranger et la nationalité

Il y a un déni de francité par des signes discriminants, couleur de peau, patronimes etc. qui relie à un statut d’éternel étranger. Aujourd’hui, 39% des immigrés ont la nationalité française. 30 à 40% des immigrants finissent après plusieurs recensements par se déclarer français même si ce n’est pas le cas (c’est une preuve d’intégration, il me semble).

Faut il être proche pour être accepté ?

Il y a eu dans l’histoire des problèmes d’intégration de populations que l’on peut considérer comme plus proche de nous (belges, même si c’était surtout les flamants qui venaient et non les wallons, les espagnols, les italiens). Paradoxalement, plus la France va chercher loin ses migrants, plus ceux-ci viennent des anciennes colonies et sont plus proche culturellement. Il y a d’ailleurs une grande tension entre la volonté de limiter l’arrivée et l’intérêt de développer la francophonie. A l’inverse de nous, au Royaume Uni, les britanniques préfèrent l’immigration indiennes et pakistanaises issues de leur ancien Empire, que les polonais plus proches géographiquelment.